Le déni : ce mécanisme qui nous protège… et nous empêche d'agir
- Céline Gaschen
- 31 mars
- 2 min de lecture
Le déni est un mécanisme de défense psychologique universel. Il consiste à refuser de reconnaître une réalité, souvent parce qu'elle est trop douloureuse, trop menaçante ou trop dissonante avec l'image que nous avons de nous-mêmes, des autres ou du monde. Il peut être protecteur, temporairement salvateur, mais il devient problématique lorsqu'il empêche la prise de conscience et l'action.
Le déni dans la sphère personnelle : "ça ne peut pas m'arriver à moi"
Sur le plan individuel, le déni est souvent une réaction face à un choc : une maladie grave, un deuil, une séparation, une situation de maltraitance ou de violence. La personne peut alors minimiser, rationaliser ou ignorer la gravité de ce qu'elle traverse. Dire « ce n'est pas si grave », « ça va passer » ou encore « il ne fait pas ça exprès » sont autant de formes de déni.
Ce mécanisme protège à court terme, mais il peut enfermer à long terme. Il retarde l'accès aux ressources, au soin, à l'aide. Il maintient la personne dans une illusion de contrôle ou de normalité, là où une réaction lucide permet d'amorcer un changement ou de se préserver.
Le déni dans la sphère professionnelle : "ce n'est pas notre culture" ou "on n'a jamais eu ce problème"
En entreprise ou dans les institutions, le déni prend d'autres formes. Il peut s'exprimer collectivement ou être incarné par les dirigeants·e·s, les RH, les managers. Il peut concerner des situations de souffrance au travail, de discrimination, de harcèlement ou de violence sexiste et sexuelle. On entend alors : « il faut replacer les faits dans leur contexte », « elle exagère », « on ne peut pas tout judiciariser », ou encore « on n'a pas de cas ici ».
Ce déni organisationnel est souvent lié à des enjeux d'image, de responsabilité, de pouvoir ou de culture interne. Il empêche les entreprises de se doter des bons outils, d'agir de manière préventive et d'accompagner les victimes ou les lanceurs d'alerte. Il génère une forme de surdité institutionnelle, où la souffrance est disqualifiée, et où les alertes sont perçues comme des menaces plutôt que comme des opportunités de progrès.
Sortir du déni : un processus progressif
Reconnaître le déni, c'est déjà en sortir un peu. Cela demande du courage, de l'écoute, parfois un accompagnement. Dans le champ personnel comme professionnel, cela passe par des espaces sécurisés d'expression, par la formation, par une culture du questionnement et de la responsabilité.
À titre individuel, cela peut impliquer une thérapie, un accompagnement ou un échange avec des proches. À l'échelle collective, cela suppose une volonté de créer un cadre éthique, de reconnaître les vulnérabilités et de penser le pouvoir autrement.
Le déni n'est pas une faiblesse. C'est une stratégie psychique humaine. Mais quand il persiste, il devient un frein à la transformation, à la justice, à la santé. S'en libérer, c'est faire un pas vers plus de lucidité et d'humanité.

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